Jean Loisier, le créateur de l'enseigne Courte-Paille
Jean Loisier en 1965 devant la grande cheminée où l'on grille les viandes. Le décor restera longtemps immuable.
Jean Loisier est né le 25 juillet 1927. Très vite, il abandonne ses études de préparation aux grandes écoles pour entrer dans la vie active. Rouvray, entre Avallon et Saulieu, est alors situé sur l'axe majeur Paris-Lyon-Méditerranée. L'autoroute n'existe pas, et le village voit passer des flots de voitures, de camions et d'autocars. La vie du bourg est rythmée par le trafic de la RN6. C'est de cette réalité que naît l'activité des parents de Jean Loisier avant la Seconde Guerre.
Les voitures sont moins fiables qu'aujourd'hui, et les pannes peuvent amener les automobilistes à faire une escale forcée à Rouvray… ou ailleurs. Le père de Jean Loisier profite de cette manne et ouvre un garage dès 1935, et en 1936, sur le même filon, sa mère ouvre un salon de thé qui deviendra rapidement un restaurant, qui gagnera plus tard 1 étoile au guide Michelin. Madame Loisier ouvre également quelques chambres, et le bâtiment à l'angle de la rue de la Gare comporte une tourelle… histoire d'être identifié de loin.
C'est avec sa mère que Jean Loisier découvre l'univers professionnel qui allait être le sien. Il la rejoint au Vieux Morvan qu'elle a créé et développé. L'affaire prospère. Mais les temps changent, l'autoroute est pour plus tard, et Jean Loisier constate que les clients, s'ils sont contents des prestations offertes par la maison, se plaignent souvent car ils trouvent que le repas dure trop longtemps. Les clients sont donc pressés et la déviation contournant Rouvray - l'une des toutes premières ouvertes en France - précède l'autoroute et court-circuite le centre du bourg.
Jean Loisier constate que non seulement les clients sont pressés, mais qu'ils sont finalement assez indifférents à la nourriture qu'on leur sert sur leur parcours. C'est de cette réalité routière et du constat des comportements des consommateurs que germe dans la tête de Jean l'idée de ce qui allait devenir Courte-Paille.
Une novation considérable
Le premier toit de chaume a été réalisé en tiges de seigle dans la tradition locale. Mais au lendemain du premier incendie, on fait appel à un Hollandais et le chaume sera alors réalisé à partir de joncs.
Le réseau des restaurants Les Routiers se faisait remarquer jusque-là sur les routes de France. Les adresses des meilleurs connaissaient un bouche à oreille positif, et il n'était pas rare de voir quelques Britanniques cossus fréquenter ces établissements, guide des Routiers en main. Courte-Paille allait apporter une novation considérable sur ce marché du passage routier. Les conditions de la création de ce qui allait devenir le premier vrai réseau de restaurants en France méritent d'être contées tant les circonstances de cette création sont révélatrices d'un véritable état d'esprit entrepreneurial… à l'échelle artisanale.
Attaché aux racines de son Morvan natal, Jean Loisier veut absolument que son restaurant ait un toit de chaume au carrefour de la RN6 et de la route qui mène au centre-bourg. Pour le reste, il n'est pas fixé. Il voit alors un architecte spécialiste du béton armé, qui souhaite un bâtiment rond, identifiable, mais sans toit de chaume. Jean Loisier ne veut pas de bâtiment rond. La journée se poursuit, animée, jusqu'à 23 heures, et se termine par un 'gentlemen agreement' : le bâtiment sera rond avec un toit de chaume.
À 9 heures le lendemain, l'architecte arrive avec des plans. Jean - qui ne savait pas les lire - va voir un maçon local et lui confie son premier chantier. Seul problème : il n'a pas d'argent. Il en parle à son frère aîné Maurice qui a 10 000 F à placer (1 500 E) et qui les lui prête en assurant que le reste suivra. Mais rien n'a suivi. Et Jean s'en ouvre à son maçon qui accepte d'être payé au fur et à mesure des rentrées. À chaque fois que Jean a 10 000 F de disponible, il les porte au maçon jusqu'à paiement de la totalité du chantier.
Les premiers jours sont difficiles. Les clients sont rares, le parking est presque vide. Jean pense que son élégant petit bâtiment fait peur aux clients potentiels, qui doivent imaginer, vu le cadre, que les prestations sont chères. Après quelques jours, il trouve la parade. Il va trouver un ami garagiste et lui demande de remplir son parking avec des véhicules. Les automobilistes ne se doutent pas que certains n'ont ni moteur ni boîte de vitesse ! En 1 à 2 mois, l'activité décolle enfin.
L'architecture est la marque
Tout rond avec sa petite terrasse, le restaurant Courte-Paille ne peut être confondu avec rien de connu. Dans le paysage de la restauration d'alors, on y mange vite, on y est bien et toute la famille adore !
L'enseigne Courte-Paille est aujourd'hui largement connue. Jean Loisier raconte comment elle est née. Ils se sont réunis à trois, en brainstorming, et une quarantaine de noms sont sortis de cette réunion. C'est en allant déposer la marque que Jean Loisier a regardé la liste. Beaucoup de noms étaient en concurrence. Fallait-il les tirer à la courte paille ? Le mot était dans la liste, et c'est celui que choisit naturellement Jean… Avec sa forme ronde, accueillante et son toit de chaume, Courte-Paille apporte une première novation : le bâtiment ne ressemble à aucun autre et l'architecture apparaît comme un vrai signal.
À l'intérieur, les nouveautés sont épatantes. Courte-Paille n'a pas vraiment de cuisine puisqu'on ne cuit qu'un produit, les frites, et qu'on en fabrique un seul : la fameuse tarte aux pommes faite comme à la maison. Toutes les viandes sont grillées par un grillardin ou par les serveurs sous les yeux des clients. Tous ces éléments constituent un décor chaleureux, animé et clairement terroir.
Les viandes sont cuisinées directement dans la grande cheminée de la salle qui en est aussi l'élément de décor principal, comme la salade offerte, l'andouillette, le fromage blanc et la tarte aux pommes qui forment l'ossature de l'offre produits. La carte est constituée de 14 références, dont 7 fromages et desserts. Tout le concept est organisé autour d'idées simples : rapidité, simplicité et authenticité, sous-tendu par un souci d'économie qui aiguillonne les choix de Jean Loisier. Le tout donne un concept formidablement novateur pour l'époque. Un restaurant de 60 à 65 places affichant complet, sans cuisiniers, avec une carte minimaliste (lire encadré page 22). Tout cela a un petit air visionnaire, et c'est sur ces bases initiales que Courte-Paille (aujourd'hui écrit en un seul mot) a construit son développement et sa notoriété.
Le premier Courte-Paille ouvre en 1961, suivi par celui de Cussy-les-Forges, dans l'Yonne, en 1964 et Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or). Puis direction Bourg-en-Bresse (01) et Chamonix (74)… Jean Loisier ouvre ainsi en filiale ou en franchise un total de 17 restaurants.
D'abord de plain-pied, un Courte-Paille est construit sur 2 niveaux dès la seconde ouverture. L'étage du bas est dissimulé par un comblement.
On reproduit donc l'original avec de légères modifications. Le premier toit de chaume est construit comme autrefois, dans le Morvan, avec des tiges de seigle. Malheureusement, après un premier incendie, on fera appel à un chaumeur hollandais dès le 2e Courte-Paille. Le chaume est alors constitué avec des joncs. Plusieurs incendies, les difficultés d'obtention des permis de construire, l'apprentissage de la gestion des franchisés, autant d'obstacles auxquels Jean Loisier doit faire face.
Attaché aux racines de son Morvan natal, Jean Loisier veut absolument que son restaurant ait un toit de chaume au carrefour de la RN6 et de la route qui mène au centre-bourg. Pour le reste, il n'est pas fixé. Il voit alors un architecte spécialiste du béton armé, qui souhaite un bâtiment rond, identifiable, mais sans toit de chaume. Jean Loisier ne veut pas de bâtiment rond. La journée se poursuit, animée, jusqu'à 23 heures, et se termine par un 'gentlemen agreement' : le bâtiment sera rond avec un toit de chaume.
À 9 heures le lendemain, l'architecte arrive avec des plans. Jean - qui ne savait pas les lire - va voir un maçon local et lui confie son premier chantier. Seul problème : il n'a pas d'argent. Il en parle à son frère aîné Maurice qui a 10 000 F à placer (1 500 E) et qui les lui prête en assurant que le reste suivra. Mais rien n'a suivi. Et Jean s'en ouvre à son maçon qui accepte d'être payé au fur et à mesure des rentrées. À chaque fois que Jean a 10 000 F de disponible, il les porte au maçon jusqu'à paiement de la totalité du chantier.
Les premiers jours sont difficiles. Les clients sont rares, le parking est presque vide. Jean pense que son élégant petit bâtiment fait peur aux clients potentiels, qui doivent imaginer, vu le cadre, que les prestations sont chères. Après quelques jours, il trouve la parade. Il va trouver un ami garagiste et lui demande de remplir son parking avec des véhicules. Les automobilistes ne se doutent pas que certains n'ont ni moteur ni boîte de vitesse ! En 1 à 2 mois, l'activité décolle enfin.
L'architecture est la marque
Tout rond avec sa petite terrasse, le restaurant Courte-Paille ne peut être confondu avec rien de connu. Dans le paysage de la restauration d'alors, on y mange vite, on y est bien et toute la famille adore !
L'enseigne Courte-Paille est aujourd'hui largement connue. Jean Loisier raconte comment elle est née. Ils se sont réunis à trois, en brainstorming, et une quarantaine de noms sont sortis de cette réunion. C'est en allant déposer la marque que Jean Loisier a regardé la liste. Beaucoup de noms étaient en concurrence. Fallait-il les tirer à la courte paille ? Le mot était dans la liste, et c'est celui que choisit naturellement Jean… Avec sa forme ronde, accueillante et son toit de chaume, Courte-Paille apporte une première novation : le bâtiment ne ressemble à aucun autre et l'architecture apparaît comme un vrai signal.
À l'intérieur, les nouveautés sont épatantes. Courte-Paille n'a pas vraiment de cuisine puisqu'on ne cuit qu'un produit, les frites, et qu'on en fabrique un seul : la fameuse tarte aux pommes faite comme à la maison. Toutes les viandes sont grillées par un grillardin ou par les serveurs sous les yeux des clients. Tous ces éléments constituent un décor chaleureux, animé et clairement terroir.
Les viandes sont cuisinées directement dans la grande cheminée de la salle qui en est aussi l'élément de décor principal, comme la salade offerte, l'andouillette, le fromage blanc et la tarte aux pommes qui forment l'ossature de l'offre produits. La carte est constituée de 14 références, dont 7 fromages et desserts. Tout le concept est organisé autour d'idées simples : rapidité, simplicité et authenticité, sous-tendu par un souci d'économie qui aiguillonne les choix de Jean Loisier. Le tout donne un concept formidablement novateur pour l'époque. Un restaurant de 60 à 65 places affichant complet, sans cuisiniers, avec une carte minimaliste (lire encadré page 22). Tout cela a un petit air visionnaire, et c'est sur ces bases initiales que Courte-Paille (aujourd'hui écrit en un seul mot) a construit son développement et sa notoriété.
Le premier Courte-Paille ouvre en 1961, suivi par celui de Cussy-les-Forges, dans l'Yonne, en 1964 et Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or). Puis direction Bourg-en-Bresse (01) et Chamonix (74)… Jean Loisier ouvre ainsi en filiale ou en franchise un total de 17 restaurants.
D'abord de plain-pied, un Courte-Paille est construit sur 2 niveaux dès la seconde ouverture. L'étage du bas est dissimulé par un comblement.
On reproduit donc l'original avec de légères modifications. Le premier toit de chaume est construit comme autrefois, dans le Morvan, avec des tiges de seigle. Malheureusement, après un premier incendie, on fera appel à un chaumeur hollandais dès le 2e Courte-Paille. Le chaume est alors constitué avec des joncs. Plusieurs incendies, les difficultés d'obtention des permis de construire, l'apprentissage de la gestion des franchisés, autant d'obstacles auxquels Jean Loisier doit faire face.
Le concept Courte-Paille séduit et intéresse
Courtepaille a failli disparaître il y a quelques années, mais 45 ans après sa naissance, le concept a fait peau neuve et repart à la conquête de nouveaux marchés.
Nestlé prend contact avec Jean Loisier et lui propose de reprendre l'affaire et de s'installer en Suisse. Mais l'entrepreneur n'a aucune envie de quitter Rouvray et décline l'offre. Le groupe Forte prend également contact avec lui, et la négociation n'aboutit pas non plus.
C'est en 1975 que Novotel (pas encore Accor) reprend - avec la banque Dreyfus - Courte-Paille. Jean Loisier a d'excellents rapports avec Paul Dubrule et Gérard Pélisson avec lesquels il aurait aimé négocier l'achat de sa création. Il regrette avoir été contraint de négocier quelques mois avec plusieurs autres personnes : avocats, notaires, banquiers. Il ne garde aucune part dans la société. Il n'aimerait pas revivre ce moment.
À 48 ans, Jean Loisier estime avoir atteint son "seuil d'incompétences". Négocier avec les services techniques des villes, rechercher des terrains, gérer des problèmes - même si Jean s'est maintenant entouré de compétences - ne l'amuse plus vraiment. Ce qui lui plaît, c'est entreprendre, innover.
Après la cession de Courte-Paille et bien rétabli d'un problème de santé, Jean Loisier se lance dans une nouvelle aventure, pas à Paris cette fois-ci. Sur l'autoroute, il est catastrophé par la prestation servie dans une aire de services principale du côté de Montélimar. Il réfléchit aux remèdes que l'on peut apporter à une prestation aussi désastreuse. Au milieu des années 1970, Jean lance un nouveau concept basé sur une innovation technique : 3 La Paysanne verront le jour à Paris. Le principe : des plats de 5e gamme fabriqués dans une cuisine centrale à Clichy (92) et livrés en liaison froide aux 3 restaurants. Une entreprise qui ne s'avérera pas pérenne.
Aujourd'hui, Jean Loisier se rappelle de cette vie professionnelle sans aucun regret, avec beaucoup de philosophie. Il est longtemps resté en contact direct avec Courte-Paille puisque son épouse a tenu, en franchise, le restaurant de Nitry qui a été racheté par la chaîne au milieu des années 1990.
Jean Loisier n'adhère pas avec les choix qui ont été faits, notamment ces dernières années, mais il est fier que son entreprise soit devenue si familière aux Français.
LA CARTE EN 1964
Lors de la première ouverture de Courte-Paille, on ne trouve pas encore de poulet et d'agneau. Le client mange sur un set sur lequel il y a une carte de France avec la localisation des différents restaurants. Sur le côté, à droite du set, se trouvent les propositions solides.
Andouillette de pays grillée et garnie 2 F
Côtelette d'agneau grillée et garnie 4 F
Côtelette de porc et garnie 6 F
Grillade de boeuf garnie 6 F
Jambon sec du pays 2 F
2 œufs sur le plat 2,60 F
Fromage frais à la crème 0,80 F
Plateau de fromages du pays 2 F
Tarte maison 3 F
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